En deux mots: dans l'imaginaire collectif, les cailloux c'est gris, froid, inerte et lourd. Je me retrouve à tenter de prouver, ou plutôt à mettre en scène, le contraire.


En plus long: ma démarche, jusqu'à présent du moins, se situe quelque part entre Hartung et les artistes du Stone Balance: ni aussi basique et photographique que le premier, ni aussi virtuose que les seconds. Je n'ai ni le génie de l'un, ni la patience des autres.

J'ai envie de construire, d'assembler, mais je voudrais rester dans le spontané, l'immédiat, le minimal.

Voici d'ailleurs l'intégralité du matériel employé:

La plupart de mes assemblages sont réalisés en moins d'une demi-heure. Je commence par ramasser un galet dont la forme ou la couleur attire mon regard, puis un ou deux autres, rarement plus. J'entrevois quelque chose, et j'essaie de le réaliser, dans la foulée. Et j'arrive souvent ailleurs que là où je pensais aller...

Une autre partie du travail est celui de la photographie. Il le faut bien: la durée de vie de mes assemblages va de quelques minutes à quelques heures. J'ai parfois du mal à faire les photos que je souhaite avant l'écroulement, et il me faut souvent recommencer ma construction. Ceci dit, la photo permet d'ajouter une couche d'imaginaire, d'étrangeté. C'est curieux comme l'objet sur site et le ou les clichés réalisés sont deux choses très différentes, même si, je le signale, je ne retouche pas les photos après coup, ni ne fais de photo-montages. Pas de Photoshop ou autre, juste parfois, quand les couleurs ne me vont pas, un retirage à partir du fichier raw, comme on le ferait à partir d'un négatif argentique.

Une autre dimension importante -et voulue- est celle d'être dehors, en toutes saisons. Sous la canicule ou dans la neige, il se met à pleuvoir ou le vent se lève (le pire!), ou alors il fait délicieusement bon et beau. Et les rivières "en tresse" changent sans arrêt. De lit, de niveau d'eau, de couleur.

Il y a plusieurs directions de travail possibles: tout ce qui ressemble à, ou évoque, la figure, évidemment, mais aussi le travail de la couleur (toute la palette ou presque est disponible dans nos rivières) ou de la forme pour elle-même, les empilements en hauteur ou encore la forme de l'arche (qui subsiste parfois quelques jours). L'illusion de la suspension enfin, de l'annulation de la gravité, alors que bien sûr c'est d'elle dont on se sert pour faire tenir tout ça.

Car, n'en déplaise aux mystiques, tout ceci relève de la bonne vieille physique newtonienne.